Introduction

Généralités de la pêche civelière

Afin de comprendre la pêche civelière, il convient d'abord de s'intéresser au cycle de vie particulier de l'anguille européenne (Anguilla anguilla), et notamment à la première de ses deux migrations.

À sa naissance, la larve planctonique, aussi appelée larve leptocephale, se situe dans la mer des Sargasses, au large de l'Amérique du nord. Dès lors, elle se laissera porter par le courant du Gulf Stream et subira ses premières métamorphoses jusqu'à devenir civelle. Après 6 000km et près d'un an passé en mer, le courant l'a conduite sur les côtes nord-africaines et européennes. Désormais, son but est de s'engager dans un estuaire et de trouver un habitat favorable à son développement jusqu'à atteindre le stade « anguille jaune », puis le stade « anguille argentée » (ou anguille de dévalaison). Elle a alors une dizaine d'années et devient sexuellement mature.

La réglementation liée à la pêche civelière

Le règlement européen CE n°1100 / 2007

Le déclin de l'anguille européenne est observé depuis les années 60. En réaction, le Conseil des ministres de l'Union européenne a voté en septembre 2007 le règlement européen CE n°1100/2007, socle de toute la réglementation de la pêche civelière. Ce règlement oblige tous les Etats membres à mettre en place un plan de gestion de l'anguille qui agit sur l'ensemble des causes identifiées de mortalité de l'espèce dont la qualité de l'eau, la disparition et la dégradation des habitats ou encore la pêche professionnelle. L'objectif du règlement est de réduire la mortalité anthropique permettant « d'assurer avec une grande probabilité un taux d'échappement vers la mer d'au moins 40% de la biomasse d'anguilles argentées correspondant à la meilleure estimation possible du taux d'échappement qui aurait été observé si le stock n'avait subi aucune pression anthropique ».

En parallèle, le règlement européen établie qu'un pourcentage des captures de civelle doit être destiné au repeuplement. Mis en place progressivement, ce pourcentage atteint aujourd'hui 60% du quota attribué.

Concernant plus spécifiquement la pêche de l'anguille, le règlement impose aux Etats qui la pratique une réduction de l'effort de pêche ou des captures par pêche de 50% par rapport à l'effort moyen déployé ou à la moyenne des captures par pêche enregistrées entre 2004 et 2006.

Le Plan national de gestion de l'anguille

En France, le Plan de Gestion Anguille (PGA) a été validé en 2010. Il instaure une liste de mesures permettant d'atteindre les objectifs généraux fixés dans le règlement européen. Afin de tenir compte des spécificités locales, sa mise en application est déclinée à l'échelle des grands bassins versants, aussi appelés Unité de gestion anguille (UGA).

Carte UGA

Source: ONEMA, Plan de gestion anguille France, 2011

Par exemple, on trouve au sein du Plan de gestion national (volet Loire) les mesures suivantes :

  • Restaurer et garantir la libre circulation migratoire 
  • Assurer la préservation et la reconquête des habitats 
  • Réduire la mortalité par pompage 
  • Réduire la mortalité par pollutions

D'autres mesures concernent le domaine de la pêche professionnelle comme l'instauration de quotas.

Inscription de l'anguille européenne à l'annexe II de la CITES

En parallèle, l'entrée en vigueur le 13 mars 2009 de l'inscription de l'espèce Anguilla anguilla à l'annexe II de la CITES fait suite à la situation jugée préoccupante de l'état du stock.

La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, connue par son sigle CITES ou encore comme la Convention de Washington, est un accord international entre Etats. La CITES contrôle et réglemente le commerce international des individus des espèces inscrites à ses annexes en vue de les protéger de la sur-exploitation.

L'annexe II comprend toutes les espèces qui ne sont pas nécessairement menacées d'extinction mais dont le commerce des spécimens doit être réglementé pour éviter une exploitation incompatible avec leur survie.

Jusqu'à la saison 2009-2010, la France était le seul pays à disposer d'un quota à l'export hors Union Européenne pour l'espèce anguille européenne. Depuis le 6 décembre 2010, le Conseil de la CITES a décidé un quota nul d'exportation hors de l'Union européenne pour les alevins de l'anguille européenne. Le commerce de la civelle vers le marché le plus important que constitue l'Asie est visé par cette démarche. Cette fermeture est à l'origine d'une diminution de la demande et d'une chute des prix de la civelle.

La pêcherie civelière en Pays de Loire

La région des Pays de la Loire intègre l'UGA Loire, côtiers vendéens et Sèvre niortaise, identifiée par les lettres LCV. Première Unité de gestion nationale en terme de licenciés, le bassin Loire, Côtiers vendéens et Sèvre niortaise dispose de 52% du quota national de civelles. L'activité professionnelle de pêche en estuaire en région Pays de la Loire concerne près de 200 entreprises de pêche (90% de pêcheurs maritimes et 10% de pêcheurs fluviaux), dont une majorité est dépendante de la pêche civelière.

L'UGA LCV présente 5 zones de pêche maritimes principales. Du sud au nord, on trouve la Sèvre niortaise, la Vie, le Lay, la Baie de Bourgneuf, la Loire. Cette dernière zone comporte aussi des pêcheurs fluviaux. Cette pêche se pratique de nuit à l'aide de tamis à civelles embarqués sur des navires dont la taille est inférieure à 12 mètres.

La pêche terminée, le pêcheur vend ses prises au mareyeur ou décide de les stocker dans des viviers individuels ou collectifs, ce qui lui permet de différer le moment de la commercialisation par rapport à celui de la pêche. La civelle est en effet un produit qui se commercialise exclusivement vivant, et dont la qualité peut influencer le prix d'achat.

La période de pêche à la civelle dure 5 mois. Cette période est néanmoins décalée selon les UGA afin de correspondre au schéma de migration sud/nord de la civelle le long des côtes. La campagne de pêche au sein de l'UGA LCV est établit du 1er décembre au 30 avril, sous réserve que le quota ne soit pas atteint avant.

Civelle

Les problématiques rencontrées par les pêcheurs civeliers

Le bouleversement économique de la filière observé depuis la fermeture des marchés hors de l'Union Européenne constitue actuellement la problématique majeure. La demande au stade civelle mais surtout au stade anguille après mise en élevage, tend globalement à diminuer depuis plusieurs années. L'une des réponses proposées par le COREPEM à ce problème fut la mise en place de l'Organisation de producteurs Estuaires, dont l'une des missions principales est de mettre en adéquation la ressource avec le marché pour une meilleure valorisation du produit.

Le braconnage est une autre problématique d'importance, puisque cette pratique illégale constitue une concurrence déloyale pour les professionnels qui ne peuvent y faire face. Malgré les efforts des organismes de contrôle, l'arrivée massive des civelles le long des côtes depuis 3 saisons et la désertion du terrain par les professionnels sont des facteurs qui attisent la pêche illégale des civelles. Cette civelle inonde ensuite les marchés européens dont les cours peinent à se maintenir.

L'avenir de la pêcherie civelière et sa structuration

Malgré les difficultés précitées, de nombreux projets émanent de cette pêcherie essentielle dans le paysage de la pêche côtière ligérienne. Ces projets visent notamment à structurer la profession (Organisation de producteurs Estuaires), à améliorer la qualité des captures (Hydrotamis), à rendre la filière plus transparente (étude de marché nationale, Télécacivelle) et à favoriser la préservation et le renouvellement de la ressource (projets de repeuplement).

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